Portrait de Magaly Cousin

Tapissière d’ameublement 
Le Crapaud Guindé. Le Mans

http://lecrapaudguinde.fr

 

De la couleur avant toute chose certes… mais pas seulement.  Pour preuve, Magaly Cousin est d’abord tapissière d’ameublement et elle le revendique hautement, même si sa compétence est également celle d’une tapissière décoratrice. La différence ? Elle nous la rappelle.  Magaly Cousin habille  meubles,  fenêtres, murs,  fabrique en atelier dans son activité de garnissage des sièges et fauteuils, mais aussi dans celle de restauration de l’ébénisterie, ici grâce à son mari, Cyrille, ébéniste.  Et c’est cela qui lui a plu dès le début de la formation à ce métier d’art : être constamment à la croisée de la technique et de l’esthétique ; conjuguer la maîtrise de savoir-faire ancestraux et les préoccupations stylistiques, qui interviennent à un double niveau : celui, tributaire du goût de ses clients,  de leur  cadre de vie ; celui  d’une exigence de cohérence historique, respectueuse de l’époque à laquelle appartiennent les pièces sur lesquelles elle travaille dans son activité de restauration. Restaurer sans trahir ; conserver en transformant, dans un dialogue permanent avec les clients.

Sa passion est née d’une rencontre : après des études classiques, la rencontre à 20 ans de Cyrille, déjà ébéniste,  lui donne à voir la joie vivante de réaliser matériellement de « la belle ouvrage ». Réorientation à 180 degrés : Magaly prépare un CAP de tapisserie à Chartres, où elle approfondit  le plaisir des belles matières, le jeu subtile des tissages, des matières qui accrochent avec mille nuances et plus, la lumière, des densités, des volumes… offrant autant de possibilités créatrices. Apprentissage  qui  participe autant de la peinture que de la sculpture, et ici la passion l’aide à surmonter le difficile : le maniement du crin, matière  un peu ingrate  du  remplissage et  garnissage. Mais comme elle le dit aujourd’hui, c’est aussi à cet invisible, patient  et rigoureux travail de préparation que l’on juge de la qualité d’une rénovation et de l’authenticité de la  passion  qui l’inspire.

Et puis les rencontres  fécondes sont toujours aussi  de beaux cadeaux de l’existence qui appellent la gratitude, cette gratitude qu’elle évoque vis-à-vis de l’artisan qui lui a donné sa chance à Paris, au Viaduc des Arts dans le XIIe arrondissement, à une époque où le métier de tapissier garnisseur se déclinait essentiellement au masculin. Le maître tapissier lui a transmis le goût du travail bien fait -la vraie signature d’un tapissier est dans ce qui ne se voit pas- et le sens des responsabilités au contact de matières très onéreuses (elle tremblait, dit-elle, devant les dorures à la feuille d’or, les tissus à 400 ou 500 euros le mètre  destinés  à une riche clientèle américaine ou  émiratie…). Après un passage dans un atelier du Vésiney, qui lui a permis de parfaire sa formation par tout le panel des activités, y compris commercial, du tapissier, Magaly Cousin ouvre une petite boutique, en mars 2005, dont tous les manceaux se souviennent du charme, dans le Cité Plantagenêt… sur un nouveau coup de foudre et sans aucune étude marketing préalable précise-t-elle en riant. Et là encore, Magaly  redit sa gratitude aux manceaux qui lui ont fait confiance, « de quasi mécènes » remercie-t-elle.  Cette confiance a été extraordinairement féconde et valait comme obligation à étudier toutes les demandes avec soin, à inventer les solutions techniques, à rechercher les matières les mieux à même d’y répondre. Depuis 2013, le succès aidant, Magaly Cousin a installé le Crapaud Guindé au  3, rue Saint Victeur  dans un cadre où un atelier  beaucoup plus vaste permet le stockage de réserves, l’embauche d’un salarié, la présence d’un apprenti, et le travail sur de grosses pièces tout en préservant l’indépendance du local commercial, autant de conditions à ce qui lui tient à cœur, le respect des délais et la qualité de l’accueil.

Le jury Mansart l’a récompensée lors de la remise du premier prix honorant la qualité esthétique d’un stand, mais aussi l’accueil fait aux visiteurs. Dans l’enceinte de la cathédrale, la gageure n’était pas mince tant l’espace d’exposition est en lui-même esthétiquement et symboliquement très fort ; « tout l’enjeu, dit-elle, est entre le trop et le trop peu : une mise en scène qui n’abîme pas l’environnement du stand et au contraire le réveille par un jeu de rappels ; nous avons choisi les tissus, la disposition des drapés en fonction des vitraux et de la couleur de la pierre. La faiblesse relative de l’éclairage a été compensée par l’éclat de certains tissus accrochant très bien la lumière par leur texture. C’est le seul salon que nous faisons ; c’est un choix délibéré qui nous évite la dispersion :  nous y rencontrons notre clientèle naturelle et potentielle dans des échanges gratuits au gré des questions et curiosités  les plus variées ; nous y marquons notre fort attachement à  cette cité où nous nous sommes enracinés, où nous avons été généreusement accueillis ; et enfin cette participation manifeste notre attachement aux préoccupations patrimoniales, attachement non exclusif de notre intérêt pour le contemporain. Cette année par exemple nous présentions des restaurations récentes : deux magnifiques fauteuils Régence d’époque à côté de deux fauteuils Leleu, identiques à ceux conçus pour le paquebot France. »