Portrait de Frédéric Chauvin

Tailleur de pierre,
Atelier de l’œuvre.
86250  Charroux.

 

Les habitués de Mans’Art connaissent sa silhouette  avenante : trilby toujours vissé sur la tête, façon Prévert ou Charlie Winston. Sa partition à lui tient dans les promesses de la pierre dont il ausculte  le grain,  la couleur, les formes, depuis l’adolescence. Frédéric Chauvin est en effet tailleur de pierre et il aime à le préciser, en tant que tel, homme d’écoute et de dialogue. Bizarre quand même pour le commun des mortels, qui  voit dans la pierre la figure même du minéral inerte et silencieux. Pour  comprendre cette relation d’amitié avec la matière, écoutons son histoire, ses passions, depuis le début.

Ses vacances d’ado, c’est un mois tous les ans en visite de châteaux, de forteresses médiévales, en famille.  Son truc à lui ? Le bâti.  Dès 15 ans il travaille sur les chantiers de jeunesse des Charentes à restaurer  châteaux et remparts qui le demandent.  Avec le plaisir du travail sur la matière, il y a celui de la fraternité, du partage, de l’échange… et très vite celui de la transmission. Dans sa préparation du CAP en CFA,   il allie formation et animation techniques et depuis, il n’a jamais cessé. Après 17 ans  au service d’entreprises travaillant pour le compte des Monuments historiques sur de grands chantiers de restauration (arênes de Nîmes, château de La Rochefoucauld…), il est devenu formateur dans un chantier-école réunissant, dans une belle et féconde mixité,  ados  en  difficulté scolaire,  voire en véritable rupture scolaire et familiale  et  jeunes adultes en simple reconversion,  avant de créer sa propre entreprise :  L’Atelier du Caillou, devenu depuis 3 ans L’Atelier de l’œuvre, adhérent et partenaire de la Fondation du patrimoine,  basé dans la Vienne à Charroux et qui intervient dans les trois domaines de la taille de pierre, la maçonnerie, la sculpture. 

Et il continue d’écouter la pierre en même temps que ceux qui ont envie d’en connaître un peu plus les secrets pour bâtir, restaurer durable et solide dans la fidélité patrimoniale. Car il le dit et le répète, tout travail de restauration exige une qualité d’écoute contemplative : des style et époque du bâti bien sûr, mais plus encore des mouvements, des forces qui  le travaillent.  C’est ce que Frédéric Chauvin appelle « comprendre un bâtiment » jusque dans ce qu’il cache, ses fondations,  soit souvent jusqu’à un sixième de sa hauteur selon le conseil d’un de ses auteurs favoris,  Leone Battista Alberti, dans le De Architectura , vers 1420. 

Il faut avoir eu le privilège et le plaisir d’entendre sur un chantier Jean Michel, qu’il a formé et avec qui il fait équipe dans l’entreprise, décrire un bâti en restauration à travers son histoire, celle justement des  dynamiques qui l’ont parfois fragilisé, déformé…  et dont il faut bien sûr partir pour faire durable.  Jean Michel sait ce dont il parle, lui qui a longtemps travaillé sur le chantier de Notre Dame, non pas depuis le tragique incendie, mais simplement autrefois, sur le chantier qui, en continu, a toujours accompagné la vie de la cathédrale. 

Sauvegarde et restauration patrimoniales ne sont pas ici de vains mots ou effets de mode !  Pour preuve, Frédéric et Jean Michel entendent aussi former, éduquer, sensibiliser leurs clients  à cette compréhension. Vaste chantier ! Pas facile de se défaire des mauvaises habitudes, celles du béton et du ciment-roi, y compris chez des professionnels. ; à l’inverse l’Atelier de l’œuvre essaie toujours  d’utiliser au maximum des blocs au plus près de la pierre employée lors de l’édification, de façon à ne pas trahir la restauration du bâti. Frédéric prend soin de rappeler la catastrophique rupture de la transmission des anciennes et vertueuses pratiques induite chez les professionnels par la guerre, qui, on l’oublie, a massivement mobilisé l’activité des maçons dans les ouvrages de défenses militaires,  grosses consommatrices de béton et ciment, en particulier les trop fameux blockhaus et casemates. C’est aussi cela les ravages de la guerre dont on  voit aujourd’hui encore  les effets dans nos villages ruraux. La restauration concerne donc également  la restauration des pseudo restaurations destructrices. S’éclaire ainsi l’engagement de Frédéric auprès des Maisons Paysannes de France, dont il est le délégué pour la Charente.  C’est aussi pourquoi l’Atelier de l’œuvre privilégie les matériaux naturels : la pierre, la chaux, la terre crue ou cuite.

Fidèles partenaires des Journées Mans’Art, Frédéric et Jean Michel ont vu la qualité de leur accueil et de la mise en scène inventive de leur stand unanimement  saluée et récompensée par le jury pour l’édition 2018.